La stratégie énergétique 2050 ne résoudra pas nos problèmes !
Les obstacles technologiques liés à la Stratégie énergétique (SE2050) concernent avant tout les énergies renouvelables et en particulier deux faiblesses majeures de celles-ci, la basse densité énergétique et l’imprévisibilité des conditions météorologiques.
La basse densité énergétique conduit à de grandes surfaces pour produire des quantités d’électricité commensurables avec les besoins d’une économie moderne. Rappelons que la Suisse consomme quelque 60 milliards de kilowattheures par année, dont 70% pour les places de travail dans l’industrie, les PME, les transports et l’agriculture.
Le solaire d’abord. La SE2050 prévoit une production solaire de 7 milliards de kWh par an en 2035. En Suisse, un mètre carré de panneau photovoltaïque produit quelque 100 kWh par année. Pour atteindre l’objectif 2035, il faudra donc une surface de quelque 30 mètres-carrés pour chacun des 2, 5 millions de ménages du pays. C’est beaucoup pour ce pays de locataires logés les uns au-dessus des autres sur un nombre croissant d’étages.
L’éolien endure ses propres contraintes. Pour les vents prévalant en Suisse, une éolienne optimale donne quelque 2 à 3 mégawatts de puissance instantanée – qui sur une durée d’une année produira un peu moins de 4 millions de kilowattheures. La SE2050 envisage une production éolienne annuelle de 4,4 milliards de kWh en 2035, soit près de 1’100 machines dans tout le pays. Quels paysages pour notre tourisme? Incidemment, cet objectif renouvelable cumulé de 11,4 milliards devrait être doublé pour remplacer les quelque 21 milliards de nucléaire, et complété par une demi-douzaine de centrales à gaz pour combler les périodes de sans vent et sans soleil.
Éoliennes et photovoltaïque souffrent de leur imprévisibilité: aucune production plusieurs heures par jour et plus de 100 jours par an, avec de fortes variations d’une heure à l’autre, ce qui rend difficile la tâche des distributeurs d’électricité qui doivent livrer un niveau de consommation beaucoup moins volatile. Comment aplanir la production renouvelable ?
Le stockage, bien sûr. Le stockage par batterie lithium-ion, la meilleure technologie du jour déjà bien développée et industrialisée à grande échelle, coûte maintenant quelque 15 cts par kWh stocké, ce qui en y ajoutant le coût de production (sans subvention) double à au moins 30 cts le kWh renouvelable. Le coût du stockage devrait baisser à 5 cts par kWh pour atteindre un seuil commercial généralisé, ce qui apparait technologiquement quasi impossible au vu des progrès déjà accomplis avec la technique lithium-ion. Les méga-fabriques en construction dans le monde visent à une réduction vers 10 cts par kWh grâce à la production de masse des batteries. Les promoteurs de la SE2050 déclarent que l’hydraulique pourrait sans autre aplanir les cabrioles renouvelables. Illusion, cette solution exigerait plusieurs grands barrages dans les Préalpes qu’il faudrait remplir fréquemment. Encore faut-il disposer de l’eau nécessaire pour les remplir à nouveau.
Bruno Pellaud
ancien directeur général adjoint de l’Agence internationale de l’énergie atomique